lundi 25 mars 2013

Pourquoi l'Afrique Pleure Et S'enfonce?



Pourquoi l'Afrique Pleure Et S'enfonce?: 
Les Vraies Causes Et Solutions De La Misère Africaine

Interview sur Radio CHUO FM 89.1 (www.chuo.fm) le samedi 31 mai 2008,
Ottawa, Canada.

Auteur: Roland A. Y. Holou
Journaliste: Jean-Marie Vianney,

1- ''La situation que vit l’Afrique est un problème d’inadaptation des modèles et idéologies contemporaines dominantes au contexte sociohistorique propre du continent ou est-ce plutôt ailleurs qu’il faut chercher les vraies raisons des échecs'' ? Selon vous quelles sont les sources réelles (externes et internes) de la misère en Afrique ?

Merci Monsieur le journaliste pour l’opportunité qui m’est accordée d’aborder quelques aspects du problème de la misère africaine. Evidement, la réponse aux questions de développement n’est pas aisée compte tenu des multiples facteurs à intégrer dans le processus. Mais la succession et la diversité des échecs enregistrés sur le continent noir donnent raison à chercher les vraies causes de la misère africaine en dehors de la version classique jusque-là acceptée.
En fait, le fonds du problème est que les cadres et intellectuels africains sont incapables d’appliquer intelligemment leur connaissance pour sortir le continent noir de la souffrance. Mais ce qui est pitoyable et regrettable c’est que les Africains qui arrivent à trouver la solution et qui veulent parler ou agir dans l’intérêt des peuples sont bloqués par beaucoup de facteurs allant de la famille jusqu’au sommet de l’Etat en passant par les contraintes internationales, le syndicalisme radical, les opposants, la sorcellerie, et par dessus tout les mentalités erronées des Africains.

2- Selon vous pourquoi l'Afrique pleure et s'enfonce t-elle ? Titre de votre ouvrage. L´Afrique se refuse-t-elle, ou tarde-elle à payer le prix imaginaire et réel de l´avenir de ses propres enfants ? Ou les forces occultes qui l´entravent et la menacent sont plus fortes que la volonté de ce continent ?

La question est complexe mais je la résume ainsi :

1.     Beaucoup d’Africains ont peur de réfléchir ou ne veulent pas réfléchir;
2.     Beaucoup ont peur de parler ou ne veulent ou ne peuvent pas parler ;
3.     Beaucoup ont peur d’agir ou ne veulent pas agir;
4.     Beaucoup de dirigeants sont des tarés et ou ne veulent pas apprendre;
5.     Beaucoup ont la connaissance mais ne veulent ou ne peuvent pas l’appliquer;
6.     Beaucoup de religieux sont tellement accrochés à des visions étriquées au point où ils ont oublié la politique ;
7.     Beaucoup de politiciens sont peu techniques ;
8.     Beaucoup de techniciens ne veulent pas se mêler à la politique ;
9.     Quand les dictateurs vont au pouvoir, ils font ce qu’ils veulent ;
10.           Quand les politiciens sont au pouvoir ils écoutent peu les techniciens ;
11.           Quand les techniciens prennent le pouvoir, ils agissent tout comme si tout était technique ;
12.           Il y a un syndicalisme radical et une opposition politique qui tue l’Afrique ;
13.           Beaucoup de compétences sont bafouées ;
14.           Quand on sent que quelqu’un veut devenir quelque chose, on l’Elimine !
15.           Ainsi, l’Afrique élimine ou rejette facilement ses bras valides ;
16.           Les cerveaux sont peu promus et peu écoutés ;
17.           Beaucoup ne veulent contribuer au succès des actions n’allant qu’à leur crédit ;
18.           En réalité, il y a une mentalité et une méchanceté africaine qui ne permettront jamais et jamais encore le décollage et le progrès du continent noir ;
19.           Beaucoup de compétents bras valides pouvant faire différence chôment à la maison au profit de fainéants promus par leurs proches à des postes très importants et sensibles ;
20.           Au lieu de voir leurs problèmes en face, les Africains continuent à accuser les autres ;
21.           Les diplômes ne sont toujours pas le symbole d’une dose de connaissance pouvant enclencher le développement ;
22.           Les causes classiques du sous développement de l’Afrique ont toujours ignoré la vraie dimension spirituelle du problème telle que la sorcellerie, etc.  ;
23.           Malheureusement, alors que les problèmes déjà existants n’ont pas encore été résolus, la procréation anarchique en Afrique multiplie la misère et les autres problèmes de sous-développement à des vitesses effroyables ;
24.           Dans cette galère, beaucoup de cerveaux fuient l’Afrique au profit de l’étranger.
25.           Et par-dessus tout, les puissances étrangères maintiennent tactiquement l’Afrique dans la misère, etc.

3- Peut-on se développer, selon vous, en négligeant ou en se refusant à produire les moyens et les instruments de développement ? Quel est d´après vous le rapport qu´il y a entre l´Afrique et ses élites, et pouvez-vous nous dire si ceux-ci remplissent valablement leurs devoirs ?

De toute évidence, pour sortir du sous-développement, la première ressource à valoriser c’est l’Homme. Mais l’amère vérité est que les cadres africains ont vachement failli dans leur mission, et beaucoup d’entre eux continuent à plonger le continent noir dans le mauvais sens, plus que ne le font les puissances étrangères qui veulent à tout prix profiter de leur pauvreté pour demeurer en avance ! Ces puissances étrangères intoxiquent, anéantissent et cherchent à contrôler l’Afrique certes, mais la réalité est que certains cadres africains ont livré et continuent à livrer leur continent. Chacun semble s’accrocher à la résolution de ses problèmes personnels, à la défense des intérêts de son parti, à la recherche d’un travail pour la survie, etc., sans en réalité se soucier du problème du développement des nations d’un point de vue plus large et noble. Cela ne veut pas dire que tous les Africains ne font rien pour se développer car, depuis l’ère de l’esclavage, du colonialisme, jusqu’à nos jours, certains intellectuels africains cogitent mais n’ont pas encore trouvé la solution définitive à cette misère. Et le chemin semble encore long, très long d’ailleurs! Mon prochain livre actuellement en édition à l’Harmattan en France traite davantage de la question de la faillite des cadres et intellectuels africains.

4- Réné Dumont disait dans les années 60, que l'Afrique noire était mal partie. Nous sommes en 2008 aujourd'hui quel est l'état du continent Africain ? Et comment, d´après vous, on peut changer les choses au mieux ?

Non seulement l’Afrique était mal partie, mais surtout elle n’est jamais arrivée et ses intellectuels ne savent pas là où ils la drainent.
Pendant trois siècles, l’esclavage avait vidé l’Afrique de ses ressources humaines certes ; les colons ont volé ses richesses naturelles pendant des siècles certes, de nos jours, on l’enferme sans fondement dans des dettes à payer sur des millénaires certes ; de nouvelles variétés de domination et d’exploitation continuent leur cour certes ; mais le gros lot du problème et de la solution à la misère africaine reviennent aux Africains eux-mêmes. Ce ne sont pas les Occidentaux qui viendront relever leur continent car, ils n’ont pas un grand intérêt à faire cela.
Ainsi, pour trouver la solution durable à cette misère africaine, il faut une révolution des intellectuels africains avertis et un soutien du peuple noir ! Cela inclura beaucoup de reformes tels qu’à l’endroit des systèmes éducatifs, des régimes politiques, des recrutements, de la recherche scientifique, de la créativité, de la démographie, de la promotion des compétences, de la lutte contre les sorciers et les mentalités, etc.
En particulier, tant qu’on continuera à saccager la formation des jeunes africains et à promouvoir la médiocrité et l’incompétence, le décollage du continent noir ne serait pas pour demain; car la jeunesse africaine ne pourra pas relever les défis qui l’attendent si, durant sa formation, elle vivote dans des systèmes éducatifs dominés par le bûching avant de se jeter dans la pagaille organisée par les vieux et la magouille diplomatique des puissances extérieures.

5- Dans votre livre, vous dites, je cite:''Beaucoup d’Africains ont peur de réfléchir ou ne veulent pas réfléchir ; beaucoup ont peur d’agir ou ne veulent pas agir; beaucoup ont la connaissance mais ne veulent ou ne peuvent pas appliquer leur savoir'' Est-ce de l'Afropessimisme; de l´autoFlagellation ? Comment peut-on sortir de ce cercle vicieux ?

Il ne faut pas être optimiste à outrance et occulter la réalité. La vérité est que pendant que beaucoup de cadres africains sont bloqués, d’autres sont ignorants et animés de mauvaise volonté. Cet état de choses a conditionné les cerveaux et a disposé inconsciemment beaucoup d’Africains dans des comportements passifs et nuisibles à l’essor de leur continent. En fait, les maux minant l’essor de l’Afrique sont en grande partie déjà connus certes, mais toutes les couches responsables ne partagent pas le minimum de convictions pouvant aider à avoir une action concertée et unique vers le développement.
Les populations africaines ont donc besoin d’être bien renseignées sur les causes profondes de leur sous-développement car, la clarification et la compréhension des responsabilités de chacun détermineront l’intensité des participations individuelle et collective à la résolution globale des maux qui ravagent le continent.

6- Vous dites et je cite:''Non seulement la polygamie et la gestion du sexe paraissent une des causes du sous développement de l’Afrique, mais aussi elles constituent une vraie culture de la misère africaine'' quand nous faisons le parallèle avec les pays occidentaux, pourquoi pensez-vous que les repères en Afrique devraient être uniformes à ceux de l'Occident ? Ne croyez-vous pas qu’il faut ajouter à cette question le phénomène de l'ignorance (surtout des femmes) mais aussi celui du manque de perspectives professionnelles et d´emploi ?

Mon livre ne vise pas à comparer les nations africaines aux autres, et ne se veut non plus un bouc émissaire dans la tuerie qui se trame contre les pays africains qui luttent déjà pour leur émergence. Mais sur le plan démographique, la vitesse d’apparition au monde des individus en Afrique dépasse les potentialités d’encadrement et de suivi durable que leur milieu et leurs parents leur offrent.
Evidemment, l’ignorance, l’inconscience, l’irresponsabilité, les réalités culturelles et l’absence de lois par rapport à la fertilité et la taille des foyers sont les causes de la forte prolificité en Afrique. C’est pourquoi les méthodes contraceptives doivent aussi être mieux promues pour un meilleur contrôle des naissances. Car, si l’Africain n’a pas assez de moyens de se suffire et le peu qu’il a doit être distribué entre un grand nombre d’individus, l’output ne peut être que l’amplification de la misère. Mais réduire la masse des bouches à nourrir avec le peu existant pourrait déjà donner plus de moyens à ceux qui en bénéficieraient. En outre, chaque enfant né sans suivi conséquent est un problème créé à gérer dans 25 ans, une bombe à retardement.

7- Selon vous ou devrait vivre l'intellectuel Africain, en Afrique ou en dehors de l'Afrique?

C’est souhaitable que chacun puisse vivre, s’épanouir librement dans son milieu natal et contribuer à son développement. Malheureusement, les contraintes politiques, sociologiques et économiques ne permettent pas toujours cette liberté de vie. Par exemple, certains Africains ont été si blessés qu’ils ne pensent même pas revenir en arrière. Et ceux d’entre eux qui sont restés au pays cherchent des tuyaux pour s’envoler vers l’extérieur. Quant aux Africains qui sont à l’étranger, ni ceux qui ont réussi, ni ceux qui ont échoué ne veulent non plus rentrer chez eux pour goutter à nouveau à la « misère » ou pour se faire honnir et humilier par les critiques et les blocages. Et ceux qui ont été rapatriés de force veulent encore repartir à l’étranger tout comme si le paradis c’est l’occident !
Ainsi, bien que les mouvements « forcés » des intellectuels africains nuisent à l’Afrique, le fonds du problème de ce continent ne se trouve pas tellement dans la localisation géographique de ses cerveaux. C’est pourquoi je crois qu’où qu’il soit, l’intellectuel africain peut toujours être utile à sa terre natale à travers des collaborations positives de tous genres.

8- Quelles peuvent être les conceptions de l'éducation-socio-politico-culturelle de l'Afrique selon vous pour que ses paramètres soient à mesure d´être efficaces, de rendre réellement services aux sociétés africaines gangrenées et affaiblies par le sous développement ?

Le problème de l’éducation est mondial certes, mais le cas de l’Afrique mérite d’être pris très au sérieux car, les dérives et les carences sont notoires. Ainsi, en fonction de leur objectif de développement et réalités intrinsèques, les pays africains doivent redéfinir le type de cadres et de leaders dont ils ont besoin. Il peut s’agir d’une conférence à l’échelle nationale, pas nécessairement souveraine pendant laquelle les cadres locaux et ceux de la diaspora vont travailler ensemble pour redéfinir les priorités des systèmes éducatifs. Le contexte international de l’éducation doit être pris en compte lors de ces assises. Il ne s’agirait pas d’un travail où les mouvements syndicaux, la société civile, les parties politiques et le gouvernement vont s’affronter sur des intérêts partisans; mais plutôt d’une importante tâche de sacrifice pour un meilleur avenir de la postérité. Il suffirait d’une bonne volonté pour pondre le programme d’aménagement et de réorientation des systèmes éducatifs en Afrique. Des organes de contrôle, des mesures d’accompagnement et des lois doivent être prises ou installés pour suivre et pour ajuster au fur et à mesure le déroulement des programmes de façon à éviter leur remise en cause par les mouvements syndicalistes ou les régimes politiques, etc.

9-Comment établir une conception et une gestion du pouvoir en Afrique qui soit à la hauteur des défis auxquels les africains sont confrontés, quelle théorie du pouvoir l'Afrique devrait-elle adopter ? Quelles exigences du pouvoir l´Afrique doit-elle exiger de ses représentants ? Historique, technologique, déontologique, politique, économique, scientifique, culturel ?

Par-dessus tout, il s’avère très important de redéfinir la fonction de l’état et de l’individu en Afrique car, l’avenir des pays africains ne peut plus être laissé entre les mains des politiciens seuls. Les systèmes politiques africains comportent dans leur ensemble des imperfections dont il serait injuste d’attribuer la responsabilité exclusive à telle ou telle formation politique.
Chaque Africain doit désormais éviter de faire porter le chapeau des dérives à son prochain ou une formation politique concurrente, mais rechercher plutôt à son propre niveau tout ce qui est répréhensible et de nature à perturber le processus de développement, afin de redonner espoir définitivement.

10-S'il fallait commencer demain la réalisation ou la mise en oeuvre des solutions que vous préconisez dans votre livre, par quelle solution faut-il commencer? Quelle est l'urgence en Afrique maintenant selon-vous ?

La complexité des maux du continent noir invite à des actions systémiques et bien planifiées plus qu’à la précipitation et à la résolution coup par coup. Les Africains doivent être éduqués sur les vrais fondements de leur misère, cesser d’accuser les Blancs et changer de mentalité car ils ont déjà toutes les ressources qu’il lui faut pour se développer.

11- Comme vous le savez, nous devons, en Afrique comme partout dans le monde, veiller sur nos intérêts. L’Afrique est en ce moment fort courtisée par les chinois. Croyez-vous que cela représente une chance réelle pour ce continent ou serons-nous de nouveau trompés et abusés comme avec les occidentaux pendant 600 ans ?

C’est possible que l’actuelle expérience de l’Afrique avec la Chine débouche sur de nouveaux horizons. Mais l’Afrique doit être prudente car, autant les Africains cherchent à se développer, autant les Blancs aussi veulent prospérer. Et comme le coeur de l’homme est souvent tordu et incompréhensible, il est difficile qu’il soit satisfait au point d’agir en toute libéralité sans arrière pensée !
Du moment où les blancs n’ont pas un grand intérêt à libérer l’Afrique, le gros lot du travail revient aux Africains eux-mêmes. Et pour cela, l’Africain qui continue à penser que c’est les blancs qui apporteraient la solution de sa misère, comme un gâteau dans un plat de dîner ou un comprimé qu’on donne à un malade, est comme cette souris qui va se présenter à un chat, dont elle aurait appris la repentance, pour louer Dieu.
Ainsi, si les Africains peuvent changer de mentalités, mieux prendre conscience, mieux s’entendre, mieux s’écouter les uns les autres, et savoir qu’ils sont les mêmes, ils ont déjà tout ce qu’il faut pour se développer dans cette jungle où les plus forts cherchent à tout prix à déchirer ou à éliminer les faibles ! Au delà de tout, j’ai espoir car Dieu n’a pas prédestiné l’Afrique à la misère !



Roland Ahouelete Yaovi HOLOU est un Ingénieur Agronome, Spécialiste en Aménagement et Gestion de l’Environnement (Ressources Naturelles, Génie Rural, Eaux et Forêts, Pêche et Faune). Actuellement, il poursuit ses études doctorales aux Etats Unis d’Amérique en Sciences Végétales, Entomologie et en Microbiologie. Né le 18 septembre 1975 au Bénin, il commença l’école à l’âge de 5 ans. Il obtint son Certificat d’Etudes Primaires (CEFEB) en 1987 et son Brevet d’Etudes du Premier Cycle (BEPC) en 1992. Il reçut par autodidaxie ses Baccalauréats série C (Mathématiques et Physiques) et série D (Biologie et Physiques) respectivement en 1995 et en 1996. Il obtint son Diplôme de Contrôleur du Développement Rural en 1998, sa Maîtrise ès Sciences Agronomiques en 2001 et son Diplôme d’Ingénieur Agronome avec la Mention Très Bien en 2002. Il a travaillé en tant que Consultant et Chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi au Bénin avant d’immigrer sur les Etats-Unis d’Amérique où il y vit en tant que Résident Permanent. Roland HOLOU est auteur de travaux et publications scientifiques dont les livres :
·        Le Bûching et le Développement de l’Afrique
·        Pourquoi l’Afrique Pleure Et S’enfonce
·        La Faillite des cadres et intellectuels africains
Roland Holou est Membre de plusieurs organisations professionnelles dont :
ü American Association for the Advancement of Science (USA)
ü American Society of Agricultural and Biological Engineers (USA)
ü American Society of Biochemistry and Molecular Biology (USA)
ü American Society for Microbiology (USA)
ü Association Béninoise du Pastoralisme (Bénin)
ü Canadian Society for Engineering in Agricultural, Food, Environmental, and Biological Systems (Canada)
ü Ecological Society of America (USA)
ü Optimist International Club (USA)
ü Writer's Digest Book Club (USA)

Sur le plan musical, Roland HOLOU est un amateur de la guitare (Accompagnement et Basse) et du Piano.

Pour contacter l’auteur, veuillez écrire à l’email : rayholou@yahoo.fr

Son livre peut être acheté en ligne à l’adresse : www.trafford.com/07-0560 ou sur Amazon, Barnes & Nobles, etc.

SOURCE ou LIEN de ce document (sans les images).

Notre Mot:

L’auteur de cette interview a tout dit concernant le mal de l’Afrique et aussi le remède contre ce mal. Mais, y a-t-il encore des Africains qui veulent conjuguer leurs efforts pour appliquer ce remède? Dieu m’est Témoin que les mots me manquent pour exprimer les sentiments qui m’animent quand je regarde et considère comment l’Afrique s’enfonce chaque jour dans le retard et le recul…
Elle-est vraiment condamnée à vivre ainsi???
Cheikh Boureima Abdou Daouda

mardi 8 janvier 2013

pourquoi les pays francophones sont plus en retard par rapport à leurs homologues anglophones?



Manque d’infrastructures, culture d’entreprise moins développée, carences de la gouvernance… Dans un dossier de huit pages, Jeune Afrique explique pourquoi les États subsahariens adeptes de la langue de Molière sont souvent distancés par leurs voisins anglophones.
Sans aucun doute, l’Afrique subsaharienne francophone perd du terrain sur sa sœur anglophone, même en excluant l’Afrique du Sud. Sur les terres – plutôt dans l’ouest du continent – où fleurit la langue de Molière, c’est la langueur qui domine ; de Dakar à Yaoundé et Kinshasa, on rêve d’émigration. Sur les terres – plutôt dans l’Est – où règne celle de Shakespeare, l’activité est trépidante ; d’Accra à Lagos et Nairobi, on fourmille de projets et on règle ses factures d’un clic ou par téléphone. Pour mesurer ce décalage, laissons de côté la corruption et les conflits ethniques, des fléaux aussi répandus dans l’une de ces deux Afrique que dans l’autre. Oublions l’exception d’un Zimbabwe longtemps à la dérive, où les folies économiques d’un pouvoir autocratique avaient déchaîné une inflation de 200 000 000 %. Et tournons-nous vers les chiffres globaux. Ils sont implacables.
En ce qui concerne le développement humain, sept des dix pays les plus mal classés (sur 187) par le Programme des Nations unies pour le développement sont des États africains francophones
Les pays francophones pèsent 19 % du produit intérieur brut moyen de l’Afrique subsaharienne, quand les anglophones en représentent 47 % (hors Afrique du Sud). Les pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), à dominante francophone, croissent à la cadence de 3,4 % en moyenne par an depuis dix ans, et ceux de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC), à dominante anglophone, à 5,4 %.

Selon le classement du rapport « Doing Business » de la Banque mondiale, qui mesure la qualité de l’environnement des affaires, les Africains anglophones sont plus favorisés que leurs frères francophones : il leur est plus facile de créer des entreprises, de dédouaner leurs importations et d’obtenir le paiement de leurs créances. Les communications téléphoniques coûtent au Bénin quatre cents fois plus cher qu’au Ghana.
En ce qui concerne le développement humain, sept des dix pays les plus mal classés (sur 187) par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) sont des États africains francophones, et l’on retrouve trois d’entre eux aux trois dernières places : le Burundi, le Niger et la RDC.
Un handicap irrémédiable ?
Le développement dépend d’une foule de facteurs ; le non-développement aussi. Cinq experts de l’Afrique ont accepté de séparer l’important de l’accessoire, de distinguer les freins institutionnels des pesanteurs culturelles et d’analyser les mauvaises habitudes à la lumière des questions monétaires ou géo­politiques afin de répondre à ces lancinantes questions : d’où vient ce handicap ? Est-il irrémédiable ?
Pour Jean-Michel Severino, gérant du fonds Investisseur et Partenaire pour le développement, consacré aux PME africaines, et ancien directeur général de l’Agence française de développement (AFD), ce sont les conflits qui ont plombé l’Afrique francophone. « Deux de ses grands pays, la RDC et la Côte d’Ivoire, ont connu au cours de la dernière décennie des troubles majeurs qui ont affecté le développement de toute la zone, alors que celle-ci avait connu depuis les indépendances une progression comparable à celle des pays anglophones. »
Les communications téléphoniques coûtent au Bénin quatre cents fois plus cher qu’au Ghana
Le franc CFA lui semble aussi avoir été un fardeau, bien qu’il ait mieux contenu l’inflation que les monnaies non alignées sur l’euro. « Durant la dernière décennie, le franc CFA a été fort, souligne l’ancien directeur général de l’AFD, et on peut imaginer que les pays aux monnaies flottantes se sont mieux adaptés que ceux utilisant cette monnaie commune. Mais s’il a défavorisé les exportations, ce n’est pas tant le niveau du franc CFA que son régime qui est en cause, car celui-ci induit une évolution monétaire déconnectée de la conjoncture africaine. Il faudra que les responsables africains réfléchissent sereinement aux bons mécanismes à lui substituer, mais qui ne devront ni mettre fin à l’union monétaire régionale ni couper totalement les liens entre l’euro et le franc CFA. »
Dernière explication, pour Jean-Michel Severino : les infrastructures, plus déficientes en terre francophone. « Je suis frappé de voir que dans le domaine de l’énergie, de l’eau ou des transports les politiques ont été plus conservatrices en matière de tarifs, explique-t-il. Cela a généré un déficit en infrastructures – aveuglant dans le cas du Cameroun ou du Sénégal – qui a un impact fort sur le développement. »
Thierry Tanoh, vice-président pour l’Afrique subsaharienne de la Société financière internationale (SFI, du groupe Banque mondiale), le rejoint sur ce point : les infrastructures sont, avec la taille des marchés, les deux grandes faiblesses des pays francophones. Des carences qu’il illustre par des anecdotes : « La patronne d’une entreprise agro­alimentaire du Niger se désespère, raconte-t-il, parce qu’elle a atteint son plein développement sur son marché national limité et qu’il lui est impossible d’exporter les produits qu’elle serait en mesure de fournir en raison des obstacles réglementaires et des coûts de transport. » Autre exemple, ce transporteur de cacao, habitant lui aussi un pays francophone, lui aussi désespéré : « Normalement, un camion s’amortit sur trois ans, rappelle Thierry Tanoh. En raison du très mauvais état des routes dans son pays, son matériel est hors d’usage en un an. Il y a de quoi décourager les investisseurs, qui visent évidemment le moindre risque. »
"Travailler ensemble"
Les pays francophones sont trop petits et trop peu peuplés. « Si l’on exclut la RDC, il faut reconnaître que les grands pays africains sont anglophones ou lusophones, poursuit-il. L’intégration des marchés est donc la seule solution pour compenser ce handicap. Or si les organisations intégratrices sont nombreuses dans la zone francophone, en réalité ce sont les anglophones, avec la SADC [Communauté de développement de l’Afrique australe, NDLR] et l’EAC, qui sont les plus actifs pour regrouper leurs forces, alors qu’ils n’ont pas la même monnaie ! »
Pour Anthony Bouthelier, président délégué du Conseil français des investisseurs en Afrique (Cian), si les entreprises hexagonales mettent le cap sur les pays anglophones, comme Lafarge ou L’Oréal, c’est aussi parce que « la régionalisation des marchés fonctionne plutôt mieux que dans l’ouest du continent ». « Le Kenya, l’Ouganda, le Rwanda, le Mozambique donnent l’impression de vouloir travailler ensemble », ajoute-t-il. Mais pour lui, la psychologie collective compte aussi : « Les pays de culture anglo-saxonne sont plus orientés vers les affaires et l’esprit d’entreprise ; leurs habitants ont moins envie de devenir fonctionnaires que les Africains de culture française. »
C’est aussi ce que relève Serge Michailof, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, et ancien de la Banque mondiale et de l’AFD. Assurément, dit-il, « la formation des élites dans les pays anglophones, en particulier des élites administratives, y est pour quelque chose, puisqu’on y inculque la conviction que le business privé est essentiel pour le processus de développement. La formation dispensée par des enseignants très gauchisants en France ne va pas du tout dans le même sens… »
Serge Michailof ajoute que « le franc CFA sur­évalué a joué un rôle très négatif, mais c’est surtout son caractère déresponsabilisant qui a été nuisible, car il est piloté par l’ancienne puissance coloniale ».
Shanta Devarajan, économiste en chef pour l’Afrique à la Banque mondiale, est plus nuancé. Il estime que l’écart entre ces deux blocs linguistiques est « moins fort qu’on ne le dit » et que les pays anglophones ont connu eux aussi des années difficiles. Parmi les causes de la langueur francophone, il pointe d’abord le fait que les pays de l’Ouest « disposent d’importantes ressources naturelles, richesse qui est corrélée avec leur fragilité née de la multiplication des conflits, plus graves qu’en Afrique de l’Est ». Mais ces conflits ne concernent pas que les pays francophones : la Sierra Leone et le Liberia, notamment, ont été ravagés par les combats.
Système opaque
Shanta Devarajan incrimine surtout le mode de financement des États. « Dans les pays de l’Ouest africain où la rente générée par les produits de base minéraliers et énergétiques est omniprésente, l’argent ne passe pas par les citoyens, mais va directement des sociétés minières et pétrolières vers les gouvernements, explique-t-il. Ce processus procure bien des occasions de “capture” de cette rente dans un système très opaque. Il n’implique pas les populations qui ne paient pas d’impôts, faute de revenus, et qui sont donc peu soucieuses du bon emploi des deniers publics. » L’argent serait moins facile en terre anglophone, ce qui expliquerait non seulement une moindre gravité des conflits, mais aussi un contrôle réel des gouvernants, deux facteurs d’efficacité macroéconomique.
Enfin, Shanta Devarajan souligne que les francophones sont plus souvent enclavés que les anglophones et qu’il leur en coûte donc plus pour commercer en raison des insuffisances criantes des infrastructures. « Le port de Lomé ne fonctionne pas correctement et ce sont les pays de l’hinterland qu’il dessert qui en paient le prix fort, dit-il. Les pays les plus dynamiques en Afrique sont des pays côtiers. »
Si l’on résume ces analyses, on découvre sans surprise que les causes du retard de l’Afrique francophone sont connues de longue date et que leurs remèdes figurent dans les refrains serinés par les organismes multilatéraux pour accélérer le développement d’un continent longtemps laissé à l’écart.
Évidemment, le franc CFA est un problème. Certes, il sert de ciment aux francophones, mais on constate – comme dans le cas de l’euro – qu’une monnaie sans gouvernance ni vision communes peut se révéler un handicap, surtout quand elle est pilotée depuis Paris.
L’exemple des pays d’Afrique de l’Est, vastes et peuplés, démontre que les investissements et la richesse se dirigent là où les consommateurs sont nombreux. Pour l’Afrique de l’Ouest, cela implique d’aller au-delà de la simple suppression des frontières et de déboucher sur une intégration des politiques budgétaires, tâche héroïque que l’Europe elle-même a beaucoup de mal à mener à bien. C’est pourquoi l’on écoutera le commissaire européen Michel Barnier, qui a appelé, le 15 décembre à Genève, « le continent immense qu’est l’Afrique à organiser et à mutualiser ses marchés pour qu’ils deviennent des marchés communs ». Un conseil de connaisseur.
On ne s’étonnera pas que la quête de la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption se retrouvent en tête des remèdes que l’Afrique francophone a intérêt à appliquer pour éviter que ses matières premières ne se changent en malédictions économiques et politiques. La rente doit être d’appropriation publique et contrôlée par les citoyens.
Tentations de l’assistanat
On ne rappellera jamais assez que les insuffisances des infrastructures routières, ferroviaires, portuaires et énergétiques étranglent la croissance, en Afrique francophone plus qu’ailleurs. C’est vers elle que doivent se diriger en priorité les 31 milliards de dollars (près de 24 milliards d’euros) supplémentaires dont aurait besoin chaque année l’Afrique subsaharienne, selon une étude de la Banque mondiale, pour mettre ses infrastructures au niveau de ses besoins.
Reste l’éducation. C’est elle qui peut promouvoir l’esprit d’entreprise et chasser les tentations de l’assistanat. C’est elle qui donnera aux classes moyennes en cours d’émergence à Dakar, Lomé ou Brazzaville l’envie de créer de la vraie richesse – et non de subir la misère – et les outils pour le faire.
Les Africains francophones n’ont pas encore perdu, à condition que leurs gouvernants, leurs banques, leurs enseignants et leurs élites jouent le jeu de l’ouverture et de la modernité. Banal, donc faisable


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